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Rien ne trouble son cœur. La terreur des présages
S’efface comme un songe, et son père et son Dieu
N’ont pas du sacrifice éloigné leurs visages.

Et le tumulte croît toujours. Mais au milieu
Des remparts, comme un puits perd ses eaux tarissables,
Le Perath oublié va baissant peu à peu.

Lentement sur les bords des quais infranchissables
Le vieux fleuve, captif entre ses murs dormants,
Découvre par degrés ses roseaux et ses sables.

Des pilotis visqueux et des soubassements,
Depuis les jours d’Ea rongés d’herbe et d’écume,
Pieu vent sur le granit de jaunes suintements.

Et les hautes parois, enduites de bitume,
Se dressent d’un seul bloc hors du lit desséché
Où meurent les poissons sur le limon qui fume.

Mais du Perath fangeux, par les canaux lâché,
Monte confusément dans la profondeur sombre
Un bruit pareil aux pas d’un troupeau détaché.

Elle approche en rampant dans la vase et dans l’ombre,
Sous le poil des manteaux voilant les boucliers,
L’armée inattendue, invisible et sans nombre.