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PRÉFACE

là, l’écho superbe de sentiments modernes, attribués aux hommes des époques passées, qu’une résurrection historique ou légendaire, il faut reconnaître que la foi déiste et panthéiste de Victor Hugo, son attachement exclusif à certaines traditions, lui interdisaient d’accorder une part égale aux diverses conceptions religieuses dont l’humanité a vécu et qui toutes ont été vraies à leur heure, puisqu’elles étaient les formes idéales de ses rêves et de ses espérances. »

Cette prédominance du sentiment moderne et personnel dans la Poésie historique, que M. Leconte de Lisle constatait chez A. de Vigny et chez V. Hugo, n’existe pas chez lui-même, sauf peut-être dans son chef-d’œuvre, Kaïn, qui, dans un cadre sémilique, enferme tous les regrets, toutes les revendications, toutes les haines et toutes les souffrances de l’humanité, accablée sous le poids de la Fatalité divine et se redressant enfin contre son éternel perséculeur. M. Leconte de Lisle, admiré aujourd’hui comme le maître incontesté de la Poésie contemporaine, à qui l’avenir réserve la plus noble place parmi les plus grands Poëtes français, a le premier donné le modèle de ce que devait étre la restitution poétique de l’Antiquité. Son imagination, précise et savante, a su laisser à chacune des mythologies, des religions et des races qu’il a chantées leur caractère propre et leur physionomie ethnique, avec leur grâce, leur splendeur, ou leur rudesse particulière. Son œuvre parcourt le cycle entier de l’Histoire. Dans une langue d’une étonnante variété, merveilleusement souple et appropriée à chaque sujet, le poète retrace puissam-