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idylle

De l’inutile écho de mes cris éperdus.
Nisa ! chère Nisa ! Sur le sable épandus,
Voici ses vêtements de lin ; là, sur les dalles,
La tunique innocente à côté des sandales.
L’onde est traîtresse, hélas ! et le gouffre est profond.
Mais sur l’autre rivage, en cet angle que font
Deux rochers écartés surplombant l’eau blémie,
C’est elle ! Je la vois. Silence ! Ô grotte amie,
Cache l’heureux Daphnis aux regards de Nisa !
Belle comme Psyché que Kypris jalousa,
Chaste comme Artémis par Actéon surprise,
Nisa sur les degrés qu’un reflet rose irise
Pose un pied délicat aux ongles de carmin.
Elle hésite ; et, confuse et voilant de sa main
Ses jeunes seins fleuris qui tenteraient l’abeille,
Au flot voluptueux livre sa chair vermeille.
Ô rêve ! ses cheveux sur sa nuque assemblés,
Tels que des pampres d’or tordent leurs nœuds bouclés :
L’aubépine a neigé sur sa candide épaule ;
Sa taille a la souplesse onduleuse du saule
Aux brins gonflés de sève et récemment taillés.
Ô perles de l’eau vive au long des bras mouillés !
Ô genoux scintillants ! Ô nudité divine !
Ô secrètes blancheurs que mon amour devine