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les flûtes alternées

Nisa ! Daphnis t’appelle, et tes brebis, enfant !
Une par une ont fui le sol noir qui se fend,
Et, tête basse, œil clos, se pressent à l’orée
Du bois propice. Viens ! Voici la fraîche entrée
Où le lierre s’enroule aux troncs de deux ormeaux.
Sous le portique vert formé par leurs rameaux
Un sentier vague, étroit, solitaire, s’enfonce,
Bordé par la pervenche et coupé par la ronce.
Le bois se fait plus sombre et plus secret pour nous ;
Suis-moi ; nouant ta robe autour de tes genoux,
Crains la branche épineuse et la pourpre des mûres.
La lumière, en filtrant au travers des ramures,
Sème des gouttes d’or sur la bruyère en fleur
Et sur ton front, brillant et rose de chaleur,
Semble allumer parfois une rapide étoile.
Au cœur de la futaie où l’ombre tend son voile,
Au cœur du bois profond où nul rayon ne luit,
Entre. Plus de fraîcheur tombe avec plus de nuit
Du dôme vénérable et sinistre des chênes.
Mais ne crains rien ; poursuis. Aux clairières prochaines
Les Satyres émus tout à coup suspendront
Leur danse, et, s’éveillant, les Dryades diront,
En te voyant si jeune et si blanche et si belle :
— Daphnis conduit Nisa ; Daphnis frémit pour elle ;