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les flûtes alternées

 
Les chênes sur leurs fronts inclinaient leurs ramures ;
Les lions se taisaient pour entendre leurs voix
Lorsque y vibraient soudain, avec tous les murmures,
Le souffle de l’orage et la rumeur des bois.

Ô deuil ! Ils sont pareils aux bêtes qui se plaignent
Et meurent en mordant le piège ensanglanté.
L’illusion stérile à leurs yeux qui s’éteignent
Cache l’impérissable et sereine beauté.

Amour ! Amour ! Maudit sois-tu par tes victimes,
Maudit par les sanglots que tu n’entendis pas,
Par les morts ignorés, par les cœurs magnanimes,
Par les tombeaux sans nombre entr’ouverts sous tes pas !

Va ! tu peux, te voilant de tes ailes funèbres,
Debout sur les débris du farouche univers,
Pour la dernière fois compter dans les ténèbres
Les spectres que tu fis, Roi terrible et pervers !

Tu les verras encor dans les cités infâmes,
Le glaive au poing, l’écume aux lèvres, se cherchant
Tumultueusement, errer parmi les flammes
Dont la rougeur se mêle aux pourpres du couchant,