Page:Guerne - Les Flûtes alternées, 1900.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
éros funèbre

 
Les voici, sur leurs seins crispant leurs mains fiévreuses,
Pâles et flagellés d’un éternel désir,
Poursuivant au hasard dans les nuits ténébreuses
L’ombre du monstre avide et prompt à les saisir.

Par couples douloureux où vont-ils dans la fange,
L’un, dont le sang précoce empourpre le manteau,
L’autre, dont la folie allume l’œil étrange,
L’un avec une fleur, l’autre avec un couteau ?

Et les Forts, les Héros vengeurs des anciens crimes,
Vers qui montait le cri des peuples opprimés,
Hercules oublieux de leurs travaux sublimes,
Amour ! sur quel bûcher les as-tu consumés ?

Et ceux-là, les élus de l’éternel mystère,
Qui, pasteurs des esprits sur les monts du devoir,
Faisaient briller si haut leurs torches que la terre
Frémissait tout à coup de les apercevoir ?

Ils étaient les rêveurs, les chanteurs, les génies,
Les Poètes dont l’œuvre était auguste et bon,
Les prêtres de la lyre aux chastes harmonies,
Les bouches qu’effleurait le céleste charbon.