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la statue


III

LA STATUE


Mon cœur glacé, muet, plein d’antiques décombres,
Mon cœur mort est pareil aux nécropoles sombres
Où, près de grands tombeaux, dans l’herbe renversés,
Gisent des bronzes noirs et des marbres brisés.
La Foi n’a plus son ancre et l’Espoir n’a plus d’ailes ;
Les Gloires, les Vertus, au sépulcre infidèles,
Les Anges dont le geste, aux angles du cercueil,
Du squelette enfoui perpétuait l’orgueil,
Ont laissé choir le glaive ou s’échapper les urnes.
Mon cœur mort est pareil aux charniers taciturnes
Où, dans le séculaire et morne effondrement,
Demeure seul, intact, jeune, immortel, charmant,
Parmi le lierre obscur s’enlaçant au piédouche,
Un amour immobile et le doigt sur la bouche.