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le poète

 
Oh ! le voile obscur des fumées
Refoulant ses plis onduleux
Sur les plaines accoutumées
À la brume des matins bleus !

Dans sa hutte où le soc se rouille,
Le faible, par les Dieux trahi,
Tremble, supplie et s’agenouille
Sur l’antique sol envahi,

Quand il entend la clameur haute
Qui suit les conquérants rivaux,
Quand il voit couchés côte à côte
Les cavaliers et les chevaux,

Et sur les champs, fleuris naguère,
Hérissés de récents tombeaux,
Planer les aigles de la guerre
Et tourbillonner les corbeaux.

Le pauvre a faim ; le pauvre rôde,
Disputant leur pâture aux loups.
De la demeure altière et chaude
Le taudis fiévreux est jaloux.