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la ruine

 
J’ai compté ceux qui sont partis
Sur les galères triomphales.
Dormez, cadavres engloutis
Dans les flots, au bruit des rafales.

J’ai suivi dans le ciel profond
Les feuilles que le vent emporte.
Oh ! l’amas sombre qu’elles font
À l’automne, devant ma porte !

Comme vous, je suis l’habitant
De la grande forêt nocturne.
Ô sort fragile ! chaque instant
Goutte à goutte tarit notre urne.

Les ans arrachent tour à tour
Un peu de chaume au toit qui tombe,
Un espoir, un rêve, un amour ;
Et la maison devient la tombe,

La tombe où, comme les hiboux
Dans la ruine abandonnée,
Je viendrai dormir avec vous,
Ô mes frères en destinée !