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les flûtes alternées

 
Toutes les passions humaines, ces nuées,
Comme un rideau tiré s’écartent brusquement,
Et la mer primitive, aux vagues remuées,
Sous la lumière égale est comme un lac dormant.

Qu’êtes-vous, ô désirs, nés dans une âme neuve,
Désirs de gloire, orgueil de voir son nom, jeté
Comme un osier fragile aux tourbillons d’un fleuve,
Aborder rayonnant à l’immortalité ?

Qu’êtes-vous, qu’êtes-vous, songes conçus naguère
De bâtir sa demeure à l’abri des destins,
De surgir, dans le bruit des trompettes de guerre,
Comme un chef triomphal sur les pavois hautains ?

Et vous, haines, remords, épouvantes, alarmes,
Ronces qui déchiriez les pieds du travailleur ?
L’homme tremblant qui fit son œuvre dans les larmes
Sait qu’un soleil nouveau mûrit un blé meilleur.

Maintenant que midi sur l’horizon superbe
Verse à flots d’or la paix glorieuse du jour,
Le moissonneur respire en déposant sa gerbe,
Sa gerbe de douleur et sa gerbe d’amour.