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les flûtes alternées

Les larmes et les vents qui font vibrer des lyres
Invisibles parmi les branches, et les cris
De l’homme par la mort et la terreur surpris,
La terre et le grand ciel que son œil troublé sonde,
Tout naît, bruit, palpite en son âme profonde
Comme la vie obscure au sein de l’univers.
Transfiguration ! ô prodige ! En ses vers
L’ombre devient clarté, les pleurs des perles, l’âme
Le pur scintillement d’une étoile, et la femme,
L’amante périssable au front déjà terni,
Immortelle et vivante entre dans l’infini.
Et des ailes d’azur croissant à son épaule,
Elle sort de la chair comme sort d’une geôle
L’esclave, ouvrant les yeux au soleil oublié.
Le baiser idéal flotte multiplié
Autour d’elle, parfum, souffle, caresse, extase.
La Nature amoureuse et chaste paraphrase
L’hymne éperdu dicté par l’esprit éternel.
Évanouissement dans l’immatériel
Et l’immuable ! Elle est la strophe, le poème,
Le rêve, l’harmonie ; elle est la Beauté même
Qui, de la nue auguste où l’homme entre à son tour,
Voit rouler sous ses pieds le monde ivre d’amour.