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transfiguration

Et, quand descend sur lui quelque rayon des cieux,
Toi, lueur de la terre, abaisse et clos tes yeux.
Qu’es-tu ? Celle qui vient et passe sous des voiles,
Celle qui brille une heure et comme les étoiles
S’éteint dans la clarté formidable du jour.
Et le jour seul emplit l’œil du poète. Amour,
Douleur, joie, à ses yeux ne sont que des abîmes
Et c’est d’en haut qu’il voit planer l’aigle des cimes ;
Et plus il semble altier, libre, lointain, vainqueur,
Et plus il monte et plus il est près de ton cœur.

Oui ! laisse le poète à son labeur splendide !
Laisse couler ses pleurs sans les sécher. La ride
De son front ténébreux creuse un sillon sacré ;
Ne viens pas l’effacer par ton geste éploré,
Ô toi dont l’âme vague est fertile en révoltes !
Attends pour le glaner l’épi de ses récoltes,
Car le poète, ô femme ! est un semeur divin.
Son domaine ? Le monde. Et le champ, le ravin,
Les prés, verts océans de fleurs, de mousses, d’herbes,
Les forêts, temples noirs aux colonnes superbes,
L’antre affreux du lion et le nid de l’oiseau,
Le torrent, le lac bleu, le fleuve, le ruisseau,
Les murmures, les voix, les frissons, les sourires,