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les flûtes alternées


XIX

TRANSFIGURATION


Sois grave comme il sied à celle qu’on ignore.
Fuis la foule. Va-t’en dans la forêt sonore
Chercher le hallier sombre où ne luit nul soleil.
Dérobe ta beauté même au ruisseau vermeil
Dont l’onde en s’enfuyant ravirait ton image.
Crains les regards humains, crains le farouche hommage
Des Sylvains, embusqués parmi les chênes noirs,
Et la trahison froide et morte des miroirs.
Sois sereine, pensive, immobile, muette
Et belle, étant la muse et l’amour du poète.
Sois belle pour lui seul. Le poète ébloui
Suit l’esprit inconnu qui vole devant lui.
Homme, il pleure et chancelle, âme, il chante et s’élève.
Songe lorsqu’il médite et tais-toi lorsqu’il rêve,