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les flûtes alternées

Projetant l’éclair d’or de leurs faulx lumineuses,
Avancent, pas à pas suivis par les glaneuses.
Liés au joug, des bœufs que presse l’aiguillon
Traînent paisiblement de sillon en sillon
Des chariots massifs où les gerbes chancèlent.
Sous le ciel embrasé les fronts courbés ruissellent
Et les cœurs sont vaillants pour le labeur sacré.
Virgile ! un pâtre chante en gardant dans un pré
Son troupeau bondissant qui rôde et s’éparpille.
Debout près du chanteur songe une belle fille
Qui l’écoute et sourit en assemblant des fleurs,
Tandis que brusquement deux béliers querelleurs
Heurtent leurs fronts cornus dans les herbes foulées.
L’ombre qui nage encore aux gorges des vallées
Est bleue, et dans la haie on voit des trous d’azur.
Tout est candide, heureux, serein, lumineux, pur.
L’arbre tremblant répond aux oiseaux virtuoses ;
Tout chante, et le poète entend la voix des choses
Et dit en son cœur : — Terre, ouvre ton sein ! ô blés,
Étoilés de bluets, croissez, tombez, comblez
Les chars et les greniers et ruisselez sur l’aire !
Nourrissez le faucheur et soyez son salaire
Vénérable, le pain qu’il rapporte au logis
Et partage en riant à ses enfants. Mugis,