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les flûtes alternées

Comme la nuit qui vient, sois belle et sois confuse.
Ayons l’amour pour loi, la bonté pour excuse,
Amie ! Autour de nous le ciel s’étoile encor,
Le jardin sidéral assemble ses fleurs d’or ;
Tout est calme, béni, candide. Sur la branche
L’oiseau dort, et la source au fond du bois épanche
Plus lentement son urne à travers les roseaux.
Un ange familier descend sur les berceaux,
Tandis que le baiser, rose que l’ombre cueille,
Aux lèvres des amants languissamment s’effeuille.
L’obscurité s’emplit de larmes et d’amour,
Viens ! Sur le loup, le cerf, traqués pendant le jour,
Sur l’épi qu’on foula, sur la plante brisée
La pitié de la nuit tombe avec la rosée.
Viens ! Car les Dieux aussi nous gardent leurs pardons,
Pourvu que de l’azur où nous nous évadons,
Pieux, émus, pensifs, nous répandions sans cesse
Sur l’homme, au mal voué, l’abandon, la faiblesse,
Sur tous les châtiments, sur toutes les douleurs,
Notre amour attendri, comme la nuit ses pleurs.