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lettre

J’attriste la nature auguste de mon deuil.
Du haut de la montagne, amèrement gravie,
Je crie à la nuée : — Où vas-tu ? Je t’envie,
Nuage, que le vent entraîne. — À l’aquilon :
— Le désir de mon âme a l’aile de l’aiglon. —
Et je dis : — Éclatants étés, soyez rapides !
Que les frimas hâtifs glacent vos eaux limpides,
Lacs ! Chênes, châtaigniers, séchez vos rameaux verts !
Montagne, que revêt le linceul des hivers,
Interdis tes sommets au feu mourant du pâtre !
Automne d’or, rends-moi l’intimité de l’âtre,
Où, grave, au moindre bruit du dehors tressaillant,
Elle s’assied, fidèle, et rêve en travaillant,
Tandis qu’oubliant tout, l’exil, la solitude,
Nature ! tes splendeurs, monts ! la majesté rude
De vos rocs entassés par les poings des Titans,
Ô ma seule beauté ! là-bas où tu m’attends,
Vers l’agreste, amoureuse et paisible demeure
Je reviendrai, joyeux, le cœur en fête, à l’heure
Où, voyageur ailé qui fuit au premier froid,
Le martinet frileux désertera ton toit.