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les flûtes alternées

Nous ont versé leur paix pour la dernière fois,
Que la source a miré tes languissants sourires,
Que j’ai vu voltiger dans l’air que tu respires
Le martinet fidèle au toit de nos amours.
Lui, du moins, pour partir, attend que les beaux jours
Aient effeuillé leurs fleurs et fané leur couronne.
Tout pâlit loin de toi ; l’ombre qui m’environne
A la tragique horreur de votre ombre, ô cyprès !
Dans la vallée étroite où, seul, je m’égarais,
J’ai vainement cherché les fleurs qui te sont chères.
Aux pentes des coteaux onduleux, des vachères
Gardent des troupeaux roux et chantent leur chanson.
Plus haut, les monts abrupts qui ferment l’horizon
Dans l’azur déchiré pointent leurs pics de neige.
Tout est splendide, altier, pur. Où suis-je ? Que sais-je ?
Loin de toi. Du coin d’ombre où parfois je m’assieds
J’entends un torrent noir sangloter à mes pieds.
La cascade, arc-en-ciel liquide, se lamente
Et rejaillit en pleurs sur la roche écumante.
L’herbe sous la rosée, au bord du lac profond
Le pin, le roc mouillé, le glacier bleu qui fond,
La cime où le soleil meurt sur la neige rose,
Tout, ô ma bien-aimée ! a des larmes. Morose,
Errant comme un proscrit que n’invite aucun seuil,