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les flûtes alternées

La fleur d’un églantier de sa lèvre était proche.
Elle dormit longtemps sur la mousse et la roche.

Et l’enfant aux yeux clairs sourit dès son réveil
Et dit : — J’ai soif. — C’était l’heure où le ciel vermeil
S’irise à l’horizon d’une clarté plus tendre
Tandis que l’occident pourpré semble suspendre
Au bord du firmament un globe d’or qui fond.
Elle avait dit : J’ai soif. Le bois était profond ;
Nul ruisseau près de nous ne chantait sous les chênes.
Nulle onde ne filtrait des fissures prochaines
Quand apparut, au bout du sentier incertain,
Une femme portant un grand vase d’étain.
Et l’enfant souleva le vase et but à même,
Joyeuse et malhabile et pressée, et la crème
Écuma sur sa lèvre et blanchit son menton.
Et ce fut simple, calme et beau, comme, dit-on,
Était la vie antique aux vallons de Sicile,
Comme un groupe sculpté dans un marbre docile,
Comme une chaste églogue où Moschos eût rêvé
D’une jeune déesse au bras souple et levé,
Épuisant, souriante et penchée en arrière,
La coupe de lait pur qu’offre une chevrière.