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les flûtes alternées

 
Avec le clair soleil l’ivresse antique monte.
Vois ; le baiser voltige autour des fronts sans honte ;
Un ardent rayon luit dans les yeux ingénus ;
L’inutile tunique à ton sein se dénoue ;
La pourpre de ton cœur, Nisa ! rougit ta joue
Et le sang de la vigne empourpre tes bras nus.

Viens ! Avant qu’en mourant l’automne ait sur les pentes
Allongé des pruniers les ombres plus rampantes,
Avant que le corbeau tache le ciel du soir,
Alors qu’un Dieu s’éveille et nous enivre encore
Et qu’on entend là-bas, sous le porche sonore
Rouler les chariots et gémir le pressoir,

Viens ! Songe au temps rapide, au temps qui nous échappe.
Aimons ! Cueillons le jour comme on cueille une grappe ;
Égrenons les baisers sur nos lèvres en feu.
Nisa ! l’amour ne fait qu’une fois sa vendange.
La joie imite, enfant dont l’âme hésite et change,
La grive qui s’envole en jetant son adieu.