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à deux amants

 
Songe que pour toi seul, dans le silence et l’ombre,
Elle a de ses cheveux déroulé le manteau
Et que c’est pour toi seul qu’à l’heure auguste et sombre
Elle a suivi la route et gravi ton coteau.

Souviens-toi qu’un instant illumina ta vie
Comme un splendide éclair de nocturnes sommets
Et que rien, serments, pleurs, gloire, ivresse assouvie,
Rien, si ce n’est l’amour, ne le paiera jamais.

Et toi, la pâle amie à l’anxieux sourire,
Qui presses de tes mains ton cœur humilié
Et, sachant qu’au bonheur l’amour peut seul suffire,
Ne regrettes plus rien et n’as rien oublié,

Sois belle, ô fière enfant ! Sois sainte et sois bénie
Pour avoir, ô colombe offerte aux nobles Dieux !
Immolé ta jeunesse à l’autel du génie
Et suspendu ton voile au temple radieux.

Verse ton âme ainsi qu’une urne qui s’épanche,
Verse tous tes pardons comme un baume royal
Et fais éperdument palpiter l’aile blanche
Du baiser infini dans l’azur idéal.