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les flûtes alternées

 
Poète, emporte-la loin des cités humaines
Vers la plage déserte ou les hautes forêts
Et berce-la longtemps dans l’ombre où tu la mènes
Comme un enfant qu’on charme avec des mots secrets.

Sois le guide obéi, le maître qui dévoile
Les routes du mystère à ses regards pieux
Et celui qui murmure en nommant une étoile :
Tous les astres du ciel, je les vois dans tes yeux.

La nature immortelle a des retraites closes
Où, comme dans un bois qu’émeut le vent d’été,
L’homme sent tout à coup errer parmi les choses
Le souffle de la vague et grave éternité.

Aime, tressaille, entends ! le flot mugit : résonne !
Au zéphyr du matin chante avec l’épi mûr,
Chante avec les rameaux de l’arbre qui frissonne,
Avec les nids cachés dans le feuillage obscur !

Mêle à tous tes accents, mêle à tous tes poèmes
Où s’éveille et bruit un univers d’amour
Toutes les voix de l’aube et tous les chants suprêmes
Qu’à l’amoureuse nuit chante en mourant le jour.