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à deux amants

 
Il faut bien que l’envie entre et siffle en vos fêtes,
Puisque vous êtes beaux, nobles, joyeux, épris ;
La foule en murmurant vous suit, puisque vous êtes
Forts comme des héros, fiers comme des proscrits.

Vous volez, vous planez : le ver vous hait ; c’est juste.
Le chêne qui répand de l’ombre comme vous
Est dans l’âpre forêt jalousé par l’arbuste ;
Les lions du désert sont enviés des loups.

Qu’importe ? Allez, fuyez ! La solitude est vaste
Au faîte où n’atteint pas la rumeur du ravin,
Où l’air est si limpide, où le vent est si chaste
Que le bruit d’un baiser semble un soupir divin.

Altiers et dédaigneux des lâchetés serviles,
Passez, pareils à ceux qui vont les yeux levés
Et qui ne sentent pas rejaillir, dans les villes,
Sur leurs robes d’azur la fange des pavés.

Avec la bien-aimée assieds-toi sur la grève
Et dis-lui que la mer est moins profonde encor
Que ta pensée en proie à l’ouragan du rêve ;
Dis-lui que l’alcyon prend un moins large essor.