« Où donc, criais-je, où donc est celui qui demeure ?
Tout devient, il n’est pas d’être vivant qui soit ;
Il faut pour qu’un dieu naisse un dieu vieilli qui meure ;
L’esprit même est détruit par le temps qu’il conçoit.
Cesse, ô mon âme, enfin, de te croire immortelle,
Car rien, certe, au delà du tombeau ne t’est dû ! »
Ainsi je blasphémais, et ma voix était telle
Qu’un grand sang-lot dans l’ombre et dans lèvent perdu.
Mais toi, la simple et faible et tendre créature,
Cœur sublime qui n’as besoin que d’un baiser
Pour saisir les profonds desseins de la nature,
Tu pleurais sans trouver de mots pour m’apaiser.
Anxieuse au milieu du triste crépuscule
Où l’âme semble avec les choses s’obscurcir,
Devant l’hostilité d’un esprit qui calcule
D’un froid intérieur tu te sentais transir.
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