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fécondes embrasaient Cybèle, et Bacchus enivrait jusqu’à la racine des îles dans les entrailles de l’Océan.

« La marche du soleil dans le déclin déterminait mes pas vers les points de la montagne les plus avancés vers l’occident. Le dieu disparu et la lumière qu’il laissait ayant ressenti le premier mélange des ombres, le sein des vallées et toute l’étendue des campagnes reprenaient, mais lentement, la liberté de leur haleine. Les oiseaux s’élevaient au-dessus des bois, cherchant dans le ciel si le cours des vents s’était rétabli ; mais leurs ailes encore enivrées fournissaient avec peine un vol chancelant et plein d’erreur. Un murmure né au faîte des forêts témoignait du réveil des souffles, mais les cimes ne rendaient qu’un tremblement léger qui n’égalait pas l’agitation éprouvée par les rameaux de cyprès dans les mains de Pan, quand le dieu se retire des chœurs qu’il anime durant les nuits favorables : la mesure impétueuse s’attache à ses pas et le fait rentrer chancelant dans les bois endormis. Sortis de l’épaisseur de leurs retraites, les animaux sauvages venaient prendre sur les hauteurs une respiration plus vive : leurs yeux paraissaient dans une flamme nouvelle, leur voix terrible était tombée dans le murmure et leur marche hardie dans la langueur des pas.

« Cependant les ombres comblaient la profondeur des vallées ; elles montaient vers moi, distribuant à tout ce qui respire le sommeil et les songes, elles