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LA BACCHANTE

Voilà la montagne dépouillée des chœurs qui parcouraient ses sommets ; les prêtresses, les flambeaux, les clameurs divines sont retombés dans les vallées ; la fête se dissipe, les mystères sont rentrés dans le sein des dieux. Je suis la plus jeune des bacchantes qui se sont élevées sur le mont Cithéron. Les chœurs ne m’avaient pas encore transportée sur les cimes, car les rites sacrés écartaient ma jeunesse et m’ordonnaient de combler la mesure des temps qu’il faut offrir pour entrer dans l’action des solennités. Enfin les Heures, ces secrètes nourrices, mais qui emploient tant de durée à nous rendre propres pour les dieux, m’ont placée parmi les bacchantes, et je sors aujourd’hui des premiers mystères qui m’aient enveloppée.

Tandis que je recueillais les années réclamées pour les rites, j’étais semblable aux jeunes pêcheurs qui vivent sur le bord des mers. A la cime d’un rocher, ils paraissent quelque temps, les bras tendus vers les eaux et le corps incliné, comme un dieu prêt à se replonger ;