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Mariange savait que plus on montrait d’empressement à questionner Lauréat, plus il mettrait de temps à répondre. Aussi feignant d’être toute au plaisir de savourer le potage, elle pria Caroline de lui passer le sel « par un effet de sa bonté ».

Caroline qui croyait tenir une proie pour le journal manifestait un intérêt intense et tout en passant distraitement le sucre, elle s’informa vivement :

— Quelle nouvelle ?

Le typographe prit le temps de replacer son couvert, il lissa la nappe, se versa un verre d’eau, en but une grande gorgée, soupira d’aise et jeta enfin, comme s’il apportait au monde recueilli la déclaration de la guerre :

— L’abondance des fraises est arrivée !

Caroline dégonfla sa poitrine d’un soupir de désappointement. Mais Mariange se prit à réfléchir tout haut :

— Aujourd’hui lundi. J’aurai fini mon lavage vers les deux heures. C’est bien de la fatigue mais il faut que ça se fasse.

Et elle se décida à dire :

— C’est bon !

Ces mots scellaient un pacte tacite entre les époux.

Lauréat excellait comme pas un à acheter, aux halles. Ce n’était pas à lui qu’un