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trop d’empressement, elle se promit d’attendre encore un quart d’heure avant d’entrer. Au bout de cinq minutes, elle n’y tint plus. Dans le hall, elle reconnaissait des acteurs contraires pour la plupart à l’image qu’elle s’en était faite. À deux reprises ils envahirent l’ascenceur sans qu’elle puisse y prendre place. Finalement portée par la ruée elle se trouva coincée parmi eux osant à peine respirer, malheureuse et heureuse de disparaître dans un monde où elle pénétrait pour la première fois. Tout ce va-et-vient, le ton assuré et le verbe haut de chacun lui faisaient perdre contenance. Elle s’essaya à claquer du talon dans le corridor comme les jeunes employées, mais malgré tous les efforts, son pas demeurait discret. Devant le bureau du directeur, son cœur battait si fort qu’elle dut le comprimer à deux mains avant de se glisser dans la salle d’attente. Heureusement personne ne prit garde à elle ; elle se laissa tomber sur une chaise et commença d’attendre.

Plusieurs minutes plus tard une dactylo interrompit à regret une conversation évidemment très plaisante avec un beau jeune homme pour s’informer du nom de Caroline. Après l’avoir noté, elle lui demanda :

— Avez-vous un rendez-vous avec le directeur ?

À sa réponse négative, elle la pria d’attendre son tour.

Attendre ! Caroline avait oublié le goût des stages prolongés dans les antichambres ; elle en retrouva vite toute l’acidité. Dix fois elle relut la lettre aux termes généreux que le rédacteur en chef du