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Mais ce jour-là, soit que la lettre du directeur de la Radio lui eût rendu un regain de confiance ou que sa vigilance fût moins en éveil, Caroline crut Salvator sur parole quand il cria, avant même de franchir le seuil de la porte : « Le prisonnier s’est évadé ! »

Pour accorder à cette nouvelle toute l’importance qu’elle mérite, il faut comprendre que l’Anse-à-Pécot n’était pas une ville ordinaire. Caroline avait dit la vérité quand elle avait déclaré à Monsieur Nash : « Rien n’arrive par ici ! » L’Anse-à-Pécot était une ville morte. Depuis l’émoi de l’incendie qui a consumé la petite église, elle était retombée dans sa somnolence habituelle.

Des soirées, l’hiver, avec chant, musique, déclamation où, selon la formule consacrée « bref l’on s’amusa ferme jusqu’à une heure fort avancée de la nuit » : au printemps, la débâcle, l’arrivée du premier bateau et l’embauchage des navigateurs ; à l’été, les tournois de croquet fort disputés sous l’œil placide des rentiers ; enfin l’automne ramenant l’élection du conseil des Dames Auxiliaires consti-