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MARIE-DIDACE

à son esprit torturé. Trois surtout la quittaient rarement. Pareils à trois jeunes chats en jeu, ils se frôlaient à elle. Les deux premiers, vivants et chauds — première apparition du Survenant bien découpé dans le vent, à la clarté du jour, le grand rire clair aussi sonore que la Pèlerine, la cloche de Sainte-Anne-de-Sorel quand le temps est écho, la main en étoile posée sur la table — ceux-là, elle les gardait volontiers. L’un se collait à son cou, l’autre se serrait près d’elle. Mais le troisième ! Chaque fois il la griffait au cœur d’où la peine s’échappait goutte à goutte, sans jamais s’épuiser.

— Tu sais, Marie-Amanda, je t’ai pas tout dit.

— C’est pas nécessaire de tout dire non plus.

— Ce que je vas t’apprendre, peux-tu me jurer sur la tombe de ta mère que jamais t’en souffleras mot à âme qui vive ?

— Tu me connais !

Angélina hésita :

— Je pense que j’ai couru après mon malheur.

Marie-Amanda s’arrêta :

— Comment ça ?

— Tu vas voir. Une journée de marché, à Sorel, j’avais vu affichée sur un arbre du carré la pancarte « Concert ce soir », et le kiosque décoré pour recevoir la fanfare de la Musicale Richelieu. Je savais, sans le savoir, — mais ça me le disait — que