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MARIE-DIDACE

avait jamais rencontré de filles avant d’arriver au Chenal du Moine, le Survenant ! Il en connaissait, de quoi en saler ! Des créatures de toutes les sortes.

Laissant à peine filtrer une pâle ligne verte entre ses cils d’or, d’une voix plus douce, elle reprit :

— Mais lui, il aimait personne.

Depuis un moment Angélina, qui s’était approchée, l’écoutait. En furie, elle se leva et demanda à l’Acayenne :

— Où c’est que vous l’avez si ben connu, le Survenant ? C’est-il dans la petite rue ?

— Je l’ai pas connu, répondit l’Acayenne, mais toi non plus tu l’as pas connu, comme t’aurais voulu.

Angélina ramassa ses ciseaux. Elle prit son dé, planta son aiguille dans la canette de fil, et décrocha sa chape.

— Va-t-en pas, je t’en prie, supplia tout bas Phonsine. Occupe-toi pas d’elle.

Mais sans un mot de plus, Angélina passa la porte. Marie-Amanda la rejoignit sur la route. Silencieuses, elles allaient du pas calme des femmes qui ont à soi du temps et de l’espace. La neige tombait toujours et brouillait à mesure l’empreinte de leurs pieds, sur le sol blanchi.

Sans se retourner, Angélina demanda :