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MARIE-DIDACE

— C’est bon, c’est bon ! trancha Laure Provençal. Mais petite aide fait grand bien quand même.

Le jeudi, Angélina, sur le point de quitter la maison pour se rendre chez les Beauchemin, jeta un regard à la ronde afin de s’assurer que rien ne traînait dans la cuisine. Une chaise dépassait un peu, un quartier de bois excédait légèrement le bûcher, elle alla les aligner. La main sur la clenche de la porte, elle pausa encore, pensivement. Son père l’observait. Depuis le départ du Survenant, il l’admirait de ne pas se laisser dominer par son chagrin. « Elle porte sa croix », pensa-t-il. Par instinct il ployait les épaules. Il en savait le poids. Lui-même avait porté la sienne, à la mort de sa femme. Mais le temps avait allégé sa peine.

— Habille-toi chaudement, fille, lui dit-il. Il tombe quelques brins de neige. Tantôt il neigera à plein ciel. C’est l’hiver.

Il décrocha sa casquette à oreilles, au montant d’une chaise, et sortit en même temps qu’Angélina, pour mieux interroger le temps. Plus encore que les parcelles blanches qui étoilaient l’espace, le saisissement partout disait l’approche de l’hiver. La campagne prenait la figure dure des femmes, secrètes et austères, qui ne permettent jamais à leur douleur de les trahir.