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MARIE-DIDACE

tout son être tendu, il écouta : il venait de reconnaître dans le ciel une clameur unique. Une bande d’outardes, encore invisibles, approchaient, criant, claironnant leur fuite des glaces arctiques et leur course à des eaux chaleureuses. Bientôt elles obliquèrent au-dessus du fleuve et volèrent plus bas. Soudain, brisant l’ordre du triangle une outarde, puis deux, et plusieurs autres après s’en dégagèrent et brouillèrent leur vol. Elles planaient tantôt à droite, tantôt à gauche, dans un nonchalant remous d’ailes, comme s’abandonnant aux fantaisies du vent. Aussi subitement elles reprirent leur rang et soumirent leur essor à la discipline première, mais en forme de double triangle, cette fois. De nouveau elles se dispersèrent, volant chacune pour soi, les ailes molles, sans élan. Puis, à un commandement secret, elles reprirent leur vol strict, la tête fixe, dardée par une même volonté et l’instinct de la race, vers des grèves plus blondes, vers des roseaux moins tristes, vers la fécondité.

Elles avaient disparu au delà des terres du sud, que Didace de son regard perçant, fouillait encore le firmament.

— C’est-il beau ! dit-il à Joinville. C’est-il assez beau de les voir passer en herse !

— Qui c’est qui leur dit où aller ? Qui c’est qui leur ordonne de partir ?