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Le surlendemain, on s’éveilla, sans transition, au pire de l’automne. Il tomba même des brins de neige. À la criée du dimanche, on donna un dernier avertissement d’aller ramasser les animaux sur la commune.

De trois comtés, les propriétaires se mirent à arriver au Chenal : de gros propriétaires, silencieux et mafflés, à la face rubiconde, et de petits habitants, remplis de suffisance, le verbe haut, le fouet à la main, toujours prêts à engendrer chicane. Ceux qui n’étaient point de la paroisse enfermaient leur bétail dans l’enclos temporaire formé de piquets et de broche.

Deux jours durant, le Chenal du Moine ressembla à une fête foraine. Une étrange rumeur emplit la campagne de cris, de jurons, de rires où se mêlaient des bruits de galop, de piétinements et du meuglement des animaux. Chaque fois que le bac traversait un troupeau, la route s’animait de taches de rousseur, au passage des bœufs. Parfois d’un buisson, d’une haie, ou par l’entrebâillement d’une porte