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MARIE-DIDACE

bras encombrés. Mécontent de la voir aussi ambitieuse, croyant qu’elle voulait tout acheter, Didace avertit Amable :

— Tu vas lui faire passer ses fantaisies ? On bûche pas toute l’année rien que pour enrichir le peddleur.

En dernier, Zarovitch sortit les tissus. Les femmes resserrèrent leur cercle. Mais elles ne pouvaient tout palper à la fois : le padoue laineux, la satine, la finette, les valenciennes de différentes longueurs. Puis il étala à part, sur le dossier d’une chaise, un coupon d’alpaca noisette qui miroitait or. Aux exclamations des femmes, l’Acayenne se leva. Elle vit le tissu et le caressa du regard. Le colporteur s’en aperçut. Pressentant une vente, le regard bridé, il se mit à énumérer les qualités de l’étoffe, comme uniquement pour l’Acayenne : double largeur… tout soie… se fripe pas… six verges… pour grosse personne.

Il froissait à dessein le tissu qui reprenait sa forme.

— Ça me ferait une bonne robe, dit Phonsine. Elle songeait au temps prochain où il lui faudrait dissimuler sa taille sous un vêtement plus ample.

— Un coupon de six verges, murmura l’Acayenne au père Didace, c’est pour le coup qu’elle se perdrait dedans.