Page:Guèvremont - Marie-Didace, 1947.djvu/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
MARIE-DIDACE

aux Sables. À côté, t’as la plus belle petite île en forme de lune !

Ses yeux s’allumèrent de plaisir :

— Je chasse là des fois. Plus loin encore, t’aperçois les Îles de la Girodeau, avec l’Île à la Cavale parmi. Là, on se met à l’abri, tard, l’automne, quand les gros vents nous poignent pendant qu’on chasse ou ben donc qu’on pêche sur les battures. La mer qui lève sur le lac, dans les tempêtes, c’est pas disable. Ça fait peur !

Un sourire indulgent passa sur les lèvres de l’Acayenne : elle qui avait navigué sur l’Atlantique, qui avait rencontré des tourmentes, avec des vagues hautes comme des montagnes.

— Il y en a des îles, dit-elle, un peu plus tard.

— S’il y en a ? Je saurais pas les compter.

— Mais il y a pas grand’côtes, par exemple.

Le père Didace crut qu’elle partageait son culte du paysage sorelois. Il redressa la tête :

— Non, l’œil accroche pas nulle part. Il voit… tant qu’il veut voir.

Elle ne bougea point. Sa figure vigoureuse tendue à l’air, elle restait là, à humer l’odeur d’eau douce qui flotte, molle, sur la peau qu’elle exaspère seulement, et à regretter l’odeur forte de l’eau salée, des cales lestées dru, du poisson saur et de la marée, qui pénètre les chairs.