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L’été des Sauvages !

À tout moment les hommes, la pipe au bec et le nez méprisant, se rendaient sur la grève prendre l’erre de vent : cette paix assoupie entre les chaumes roux… ce ciel azur et blanc sans menace de pluie… ce souffle irrespirable à force de douceur, ne leur disaient rien de bon. Mais les belles journées tiraient au reste. Déjà les rats d’eau bâtissaient leur ouache. En effet, çà et là, des buttes de joncs émergeaient de la rivière.

Il fallait hâter les besognes au dehors. Les femmes, à la suggestion de la grande Laure Provençal, prirent prétexte d’une corvée de savon pour se réunir une après-midi sur la grève, près du gros orme, en face de la maison des Beauchemin. Le père Didace avait fait un feu, avant l’arrivée des voisines. L’Acayenne regardait au loin. Il s’approcha d’elle :

— Ce que tu vois là-bas, vieille, c’est l’Île Plate, avec ses arbres, quasiment tous des saules, couchés par la glace. L’eau passe par-dessus, à chaque printemps. Plus loin, la Queue-de-Rat, à la fin des Îles