Page:Guèvremont - Marie-Didace, 1947.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.
53
MARIE-DIDACE

de belle terre, toute labourée, parée à recevoir le grain au printemps.

— Ouais ! c’est de la terre ! admit Didace. Seulement, on l’a pas vue !

— Aïe ! deux cent cinquante acres, on rit pas ! loin comme d’icitte… à l’autre bout du monde.

— Puis, c’est pas tout : ils vont commencer à bâtir un brise-lame, dret en face de Sorel.

— Qui ça ?

— Les gars du gouvernement !

— Un brise-lame d’élection, trancha Didace. Dès qu’ils commencent à creuser et à planter quelques fondations, c’est immanquable : les élections s’en viennent.

La discussion s’anima.

— Et vous, l’Acayenne ? Quoi c’est que vous en dites ? lui demanda Jacob Salvail, pour le plaisir de la faire parler.

Elle n’entendit pas. Au bout de sa rêverie, un chaland se berçait. Et, sur le pont, allaient des mariniers efflanqués, d’autres courtauds, toujours affamés, qui passaient, sans y penser, de la prière au juron, à l’heure du danger.

« À quoi c’est qu’elle jongle tout le temps ? » se demanda le père Didace, inquiet. Elle est jamais avec nous autres. On dirait une île éloignée de la terre ferme. Chaque fois qu’elle vient nous retrou-