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MARIE-DIDACE

pour divertir leurs invités, ils s’étaient moqués d’elle. Phonsine en avait pleuré de rage. Plus tard elle avait pu rire d’eux en pleine face. C’était trop drôle de voir la parade d’argenterie, de verrerie, de boissons fines devant leurs semblables en grand déploiement de carrosses à deux chevaux, de fourrures, de bijoux. Tout cela pour parler d’elle, leur servante. Ils n’avaient donc rien à se dire ? Mais le soir même, elle avait pleuré toutes ses larmes.

D’autres bulles gonflaient, aussi grises…

Ses promenades solitaires, sur les quais, au départ du Gros pour Sorel, ou à la gare Bonaventure, à l’arrivée du train, cachée par les piliers, dans l’unique espoir d’apercevoir de loin une figure connue…

L’eau redevenait limpide…

Une avant-veille de Noël, en chômage, elle avait vu clair en elle-même. Le salut lui était apparu dans l’image d’Amable-Didace, le grand garçon, honnête, paisible et doux, qui saurait prendre soin d’elle, puisqu’il l’avait demandée en mariage. Les pieds lui brûlaient de partir pour le Chenal du Moine, de voir tomber la neige sur les longs champs infaillibles, éternels, d’entendre les grelots des traîneaux, de s’asseoir à la table accueillante, dans la maison carrée, sans embûche où, un jour, après le règne de la mère Mathilde, à son tour elle serait