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MARIE-DIDACE

ble, l’idée ailleurs, mangeait mollement, la tête basse. Didace, comme sourd et étranger à la chose, trempait une bouchée de pain dans le sirop d’érable.

Un doute traversa l’esprit de Phonsine : son beau-père était-il l’homme juste qu’elle l’avait toujours cru ? Un vrai chef de famille ? Pourtant, un jour qu’elle s’était assise dans le fauteuil du Survenant, il l’avait fait lever en disant : « Personne boit dans ta tasse… » Le Survenant ! C’en est un qui lui aurait fait rendre sa tasse !

L’Acayenne souriait, les yeux bas. Ainsi donc, pour une femme qui rit, un homme renierait père et mère, et famille ? Il se laisserait conduire par elle, comme un veau par une laisse ?

D’un coup sec, repoussant son assiette à peine dégarnie, Phonsine se mit à rire. Elle voulait trop rire. Le rire tomba par orage, faux, sans gaieté et si singulier qu’il fit dresser la tête aux trois autres, à table.

— Arrête, cria le père Didace. Et recommence jamais !

Une nausée obligea Phonsine à courir au dehors. Amable l’y suivit.

— Quoi c’est qu’elle a, la bru ? demanda l’Acayenne. Elle a-ti des raz de marée ?

Didace haussa les épaules. Il ne comprenait pas toujours le langage de sa femme.