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MARIE-DIDACE

chemin de la croix, elle accompagnait quelqu’un, d’un accompagnement muet et sympathique. Tout de suite elle comprit. Le Survenant était revenu au Chenal du Moine, pour une suprême consolation, lui porter le message de sa mort. Ce n’était pas par pur hasard qu’elle, si précautionneuse, avait oublié d’acheter du fil à Sorel. Peut-être aussi pour lui demander une prière ?

Angélina s’agenouilla et pria. Peu à peu, au-dessus de sa peine, la buée d’amertume se dissipait, dégageant par larges ondes claires une pieuse résignation et le secret soulagement de savoir le Survenant délivré de la hantise et des embûches de la route.

« Enfin », pensa-t-elle, « il a trouvé son chemin. Il est rendu. » Un grand soupir lui échappa. Et elle pensa encore « Il sait maintenant comment je l’ai aimé ! » Aussitôt elle se chagrina d’avoir pensé à lui au passé. Et elle se sentit veuve. Un sentiment de fierté lui fit redresser la tête. Désormais, au lieu de l’humiliation de la vieille fille déjetée, elle porterait en sa personne la dignité d’une veuve.

Sa peine, elle ne la confierait à aucun. Pas même à Marie-Amanda. Depuis qu’elle était au monde, elle avait pu partager avec son amie toutes ses joies, toutes ses peines, ses grands secrets d’enfant, ses