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MARIE-DIDACE

L’infirme dégagea doucement sa main et s’en alla.

Le Survenant était mort ! À qui le dire ? Avec qui en parler ? Un mois auparavant, il y aurait eu le père Didace. Lui aurait reconnu le Survenant, au premier coup d’œil. Marie-Amanda ? Marie-Amanda était à l’Île de Grâce. C’était tout de suite, si elle ne voulait pas mourir là, qu’Angélina devait laisser saigner son cœur, ses larmes couler. Tout de suite. Tout de suite.

Sans même une génuflexion, les yeux fermés, elle s’écroula sur un banc de côté, dans l’église, près de la huitième station, du chemin de la croix. Il était temps. Elle n’avait plus ni bras, ni jambes. Seuls deux mots vivaient en elle : glorieux disparu. Ils battaient à ses tempes au même rythme que le sang de son cœur : glorieux disparu, glorieux disparu…

Une épave entraînée par la peine, Angélina s’abandonna. Elle pleura comme s’il n’y eut plus sur la terre ni hommes, ni femmes, ni champs, ni bois, rien qu’une immense détresse : la sienne. Elle était moulue de douleur, moulue menu ; un grain de blé sous les roues de la volonté divine.

Une infinie lassitude lui venait aux épaules, à la poitrine, d’avoir tant pleuré. Soudain, sans que rien n’eut changé autour d’elle, Angélina sentit qu’elle n’était plus seule. Comme les saintes femmes du