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MARIE-DIDACE

mais c’était ses yeux, plus tristes qu’auparavant peut-être, c’était sa bouche moqueuse, sa belle bouche d’où le rire s’échappait, riche et facile, c’était son nez large, aux ailes mobiles, c’était sa chevelure, qui flambait comme un feu de forêt, mais qu’on avait coupée. À peine une courte vague dépassait-elle le front. C’était bien lui.

— Où avez-vous eu cette gazette-là ? demanda Angélina.

— Je serais ben en peine de te le dire, pauvre enfant. Mon vieux la ramasse d’un bord et de l’autre, dans les caves, comme ça adonne.

— Y a-t-il longtemps que vous l’avez ?

— C’est comme je te dis : ça peut faire un an, ça peut faire quelques jours.

— Oui, mais le reste de la page, insista Angélina, vous devez l’avoir ?

— Ben, ma fille, si tu veux chercher une aiguille dans un voyage de foin, t’as beau : la gazette est pêle-mêle dans le back-store.

Levant la vue, elle aperçut Angélina, la figure allongée :

— T’es ben blême ! Je gage que t’as pas mangé. Prendrais-tu une bolée de bouillon ? J’en ai du chaud sur le poêle. Sans gêne ?

L’infirme fit signe que non. Elle posa sur le comptoir le morceau de journal :