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MARIE-DIDACE

— As-tu un billet de ta mère ?

L’enfant commença à pleurnicher. La marchande ne se laissa pas attendrir :

— Avance icitte. Donne-moi ton bonbon. Tu l’auras quand tu m’apporteras un billet. Pas avant.

Il s’enfuit en pleurant, tandis que la marchande expliquait à Angélina, tout en retassant la guimauve avant de retourner le bonbon à la boîte :

— Les petits bougres ! Si on les laissait faire, ils nous videraient le magasin tout rond.

Les deux femmes n’avaient plus rien à se dire. Angélina demanda du fil en rouleau. Quand elle en eut choisi de la teinte qu’elle cherchait, elle fit mettre deux souris de jujube dans un sac, pour Marie-Didace, et elle paya.

— C’est tout ? lui demanda la commerçante, en pensant que ce n’était pas Angélina qui faisait vivre le magasin.

Tandis qu’elle s’apprêtait à partir, les yeux d’Angélina tombèrent sur le bout de journal qui enveloppait le fil. Saisie, elle défit le paquet et défroissa le papier à moitié déchiré, afin de mieux l’examiner. Un portrait d’homme dont on ne voyait que la tête et les épaules, en uniforme militaire apparut sous l’en-tête « Glorieux disparu ». Le Survenant ! Pour Angélina il n’y avait aucun doute, c’était lui, un soldat, vieilli, plus marqué par la vie, sûrement,