Page:Guèvremont - Marie-Didace, 1947.djvu/271

Cette page a été validée par deux contributeurs.
271
MARIE-DIDACE

La femme du commerçant, grosse, courte, les chairs affaissées, s’avança dans la porte, entre la cuisine et le magasin. Elle prit place derrière le comptoir, sans s’asseoir toutefois. Les deux femmes se mirent à causer. Pas plus que l’une n’était pressée de vendre, l’autre ne montrait d’empressement à acheter. Les nouvelles de la paroisse d’abord.

— Tant de mortalités dans une famille, ça se voit pas, dit la femme du commerçant qui faisait allusion aux Beauchemin.

— Rarement, admit Angélina.

— Et tout du grand monde ! Puis Phonsine si malade !

— Si vous la voyiez !

— Elle est changée tant que ça ? Pas reconnaissable, je gage ?

— Comme de raison, après deux semaines au lit, elle est pas vigoureuse, mais c’est de son caractère que je parle. Elle est p’us la même personne. On voit ben qu’elle était rongée par en dedans.

— Et la petite ?

Le visage d’Angélina s’anima d’un sourire :

— Je l’ai toujours avec moi. Elle doit m’attendre. Avant que je parte pour Sorel, à matin, elle m’a dit : « Tu me feras signe de loin. Je t’attendrai grimpée sur le four à pain. Puis je courrai au-devant de toi. »