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MARIE-DIDACE

éteinte. Au moment de l’assouvir il n’y avait plus dans sa tête qu’un grand trou noir, le vide. Elle aida l’Acayenne à se coucher. Puis elle plaça la boîte de pilules à portée de la main, sur le chiffonnier et elle suspendit une chape de laine grise à la fenêtre.

— Souffrez-vous ? lui demanda-t-elle.

L’Acayenne fit signe que non.

— Mais, si tu voulais, ma fille…

La voix était faible, pitoyable :

— … si tu voulais, tu me masserais dans le dos. J’ai les chairs hachées. Tu dois avoir la main douce, il me semble.

Une grimace de répugnance sur la figure, Phonsine retraita d’un pas. Elle se pencha sur ses mains, et les examina comme jamais auparavant : ses mains nerveuses et maigres, pas belles, ni délicates — comment les garder fines et blanches à faire les gros travaux du ménage ? — mais loyales, ses mains qui n’avaient jamais rien profané.

« Je peux pas », se dit-elle encore.

Mais mue par une impulsion plus forte que sa volonté, elle les appliqua subitement au dos de l’Acayenne. L’autre échappa un cri de surprise. Au contact de la peau étrangère, les longs doigts gauches refusèrent d’obéir ; ils s’immobilisèrent, impuissants.