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MARIE-DIDACE

— Ah ! ce que je sens ?… Elle poussa un soupir… C’est comme si j’avais une tête d’enfant qui me pèserait sur le cœur.

— Il faut pas qu’elle mange, tu le sais ?

Phonsine ne répondit pas.

— Elle est p’us jeune, comme de raison… Elle vieillit à son tour, affirma la mère Salvail, d’un accent où perçait la satisfaction.

— C’est pas de ce que je vieillis, corrigea l’Acayenne, comme je raidis.

Maintenant que Phonsine était de retour, les femmes abandonnèrent l’Acayenne à ses soins et retournèrent à leur maison. Elle mit le ragoût à chauffer. Bientôt un fumet de porc épicé et de farine grillée se répandit dans la cuisine. Elle trempa une miche de pain dans la sauce et la servit à Marie-Didace. L’Acayenne prit la louche et se tira du ragoût qu’elle mangea jusqu’au fond de l’assiette. Phonsine la laissa faire sans prononcer une parole. « Après, si elle souffre, se dit-elle, elle l’aura bien voulu. »

Beau-Blanc en entrant la fit sursauter. Elle chercha aussitôt à dérober l’assiette que l’Acayenne venait de vider. Quand l’engagé fut sorti, elle se versa du thé, mais elle n’en but qu’une gorgée. Une lassitude l’empoignait à la nuque. Où était sa rancune ? Quelqu’un avait soufflé dessus et l’avait