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MARIE-DIDACE

d’ambre. Sur le fleuve, un trois-mâts naviguait vers la mer.

— Regarde, regarde le bateau, s’il est calé, il s’en va à la guerre, dit Marie-Amanda.

— J’ai pas besoin de le regarder, il en passe à tous les jours, répondit Phonsine que rien de l’extérieur ne pouvait soustraire à sa détresse.

Sa voix se fit suppliante :

— Tâche donc d’inventer un moyen de la faire partir, Marie-Amanda. Il le faut, il le faut à tout prix. Je peux p’us la souffrir !

— Mais, Phonsine, t’es dans l’obligation de la garder. Même de la soigner, si elle tombait malade.

Phonsine s’arrêta net, les yeux agrandis comme devant une image de terreur :

— Moi, la soigner ? Jamais ! Je pourrais pas !

— Pourquoi faire ?

La voix sourde, haineuse, Phonsine répondit :

— Parce que je la respecte pas.

— Quand t’en parles, on dirait que c’est le yâble tout pur qui t’apparaît. Pourtant, elle me semble d’un bon cœur… et donnante…

— D’un bon cœur, elle ? Donnante, elle ?

La voix comble d’amertume, Phonsine dit :

— Elle est de c’te race de monde qui ont toujours l’air de tout donner, pendant qu’ils vous arrachent