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MARIE-DIDACE

compli le même geste auparavant ? Peu à peu, par petites touches, des images se dessinaient, précises, dans sa mémoire : agenouillée auprès du Survenant, un soir qu’il avait bu, Phonsine lui enlevait ses bottes. Au milieu de phrases incohérentes, — il danse le soleil, le matin de Pâques il danse ! — il lui révélait les amours du père Didace avec l’Acayenne. La tête de l’homme ivre retombait sur la table. Deux flaques d’eau grise maculaient le plancher frais lavé. Phonsine avait eu le pressentiment de tout ce qui lui serait dérobé de sécurité, de paix. Parmi les avoines ardentes et soleilleuses, elle ne serait plus que l’humble grain noir qu’une main dédaigneuse rejette loin du crible.

Le Survenant n’avait pas porté bonheur aux Beauchemin. Vrai, sa puissance magnétique n’avait plus guère de reflet sur eux ; mais le sillon de malheur qu’il avait creusé inconsciemment autour de leur maison, six ans plus tard le temps ne l’avait pas encore comblé. Cette femme, l’Acayenne, elle n’était pas des leurs, elle les frustrait d’une part du vieux bien et sans cesse elle les menaçait de la présence du fils de son Varieur ; cette femme, qui prenait toujours la part de Marie-Didace et qui se faisait aimer de l’enfant au détriment de Phonsine, c’était le Survenant qui l’avait présentée au père Didace. Sans elle, sans son œuvre sournoise, Amable n’aurait