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MARIE-DIDACE

— Pe-père, tu coupes les pattes des grenouilles avec ton moulin.

Didace arrêta sans peine les chevaux dont l’ardeur se modérait peu à peu depuis le matin. Il en profita pour aller casser une hart de plane : elle lui servirait d’aiguillon. Comme il écorçait la branchette, il aperçut Phonsine, à quelques pas. En voulant se relever, le genou de la jeune femme heurta un objet ; elle y porta la main : c’était la poupée qu’elle avait achetée à Marie-Didace ; le son s’échappait du corps de chevreau. Le visage décoloré n’avait plus d’yeux. L’enfant n’y attachait aucun prix ; elle l’abandonnait, à la pluie, n’importe où.

— Marie-Didace !

La petite crut que sa mère venait la chercher ; elle courut se réfugier auprès de l’Acayenne.

— Cours pas tant, lui dit Phonsine, le cœur serré. Et regarde ta poupée si elle a bonne mine !

Puis elle dit à son beau-père :

— Deux hommes vous demandent à la maison, ils veulent que vous les meniez à la chasse.

— Les connais-tu ?

— Sûrement ! Pas par leur nom, mais de visage. Autrement, je leur aurais jamais ouvert…

— Pourquoi que tu les laissais pas venir faire leurs arrangements eux autres même ? Ça t’aurait épargné un voyage.