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MARIE-DIDACE

tombes, à la place. Pour te guérir, il te faudrait un vrai choc.

— Journée de la vie ! Vous trouvez pas que j’en ai eu assez, docteur ?

Il la regarda avec compassion :

— Je comprends, ma fille, t’as été éprouvée. T’as passé à la mortalité et t’as eu les fièvres lentes, après avoir acheté. Mais les fièvres lentes…

Petit à petit sa voix s’enflammait. Il grimaça. Son visage se couvrit de mépris :

— Les fièvres lentes, il ne faut pas m’en parler. Une maladie sournoise s’il y en a une, et qui laisse son poison dans le sang pendant des années.

De plus en plus bourru, il apostropha la jeune femme, comme si elle fût responsable de son état :

— Regarde-toi donc. T’es maigre comme un pic ! T’as les yeux dans le fond de la tête. T’as même pas été capable de nourrir ta petite. Sais-tu ce qu’il te faudrait ? Quelque bonne maladie qui t’empêcherait de penser. Ça te nettoierait les idées avec le sang. Après, t’aurais une santé à toute épreuve. En attendant, il te faut de la tranquillité.

Ce qu’elle ne pouvait dire au médecin, c’était ce qui la rongeait : l’incurable rancune qu’elle gardait à l’Acayenne d’avoir poussé Amable à partir ; de l’avoir remplacée, elle, comme reine et maîtresse dans la maison ; et, au-dessus de tout, la crainte de